Après-coup "Des femmes et des forêts"

Soirée Littérature et psychanalyse à Soissons,

Après-coup

Par Catherine Stef

Mardi 12 mars, à la Bibliothèque de Soissons, Martine Besset nous a parlé de Gabrielle Filtau-Chiba et de Claudie Huntzinger, toutes deux autrices inspirées par la nature, chacune à sa façon militante, écologiste et féministe. Après son exposé très riche, documenté et précis, des questions ont suivi venant d' un public renouvelé attentif et visiblement intéressé.
L'écolo-féminisme a centré une partie de la discussion, qui ne fut pas sans écho avec les séquences de la Grande Conversation de l'Ecole-Une, le 18 février dernier, consacrées justement à la nature, et au féminisme.
Nous rappelant que "le parlêtre détruit la nature", au grand dam de ces dames, qui s'en émeuvent. Mais pas seulement. Elles y trouvent aussi, une Autre jouissance, une liberté, une fusion, quelque chose du rapport sexuel qui là, pourrait s'écrire: elles y croient. Elle le décrivent dans leurs romans qui campent des femmes tantôt encabanées, tantôt isolées, tantôt exilées, au sein de la nature, en communion. La référence religieuse est d'ailleurs présente d'emblée pour Gabrielle Filteau-Chiba qui dit en quittant Montréal pour le fin fond de la forêt québéquoise, qu'elle a trouvé le chemin "vers la seule cathédrale en laquelle elle peut croire".
A l'opposé de Ronsard cité par JAM, qui s'exclame: "oh, vraiment marâtre nature" ou d'Henry Michaux cité par Philippe Hellebois: "Ah enfin la nature" , s'exclame-t-il lui, en arrivant dans le parc de la grande ville après avoir traversé l'Amazonie.
Car en effet "Le réel dévore la nature" pour JAM dans "Un réel pour le XXIème siècle".
Et "La nature est un produit de la culture", pour Lacan dans "Le triomphe de la religion".
Quelque chose de mystique, quelque chose aussi d'un renoncement aux jouissances prêtes-à-porter, pour aller vers une extase dépourvue de tout déchet, de tout parasitisme langagier.
Anouk personnage de Gabrielle Filteau-Chiba, rencontre tout de même un homme dans ses solitudes glacées, et cette rencontre amoureuse lui redonnera, contre toute attente, le goût du lien social et de l'engagement politique.
La romancière et artiste plasticienne vosgienne quant à elle, rend hommage à l’« intelligence invisible » des forêts, malmenées par l’homme.
"J’avais 25 ans quand je suis venue vivre au cœur d’un massif difficile d’accès, sauvage, abritant des forêts, des torrents, une tourbière, des moraines, une vie animale et végétale d’une grande diversité. Je suis romancière. Je manie les mots, j’aime le langage. Mais je ne crois plus à la suprématie du langage humain, à ses certitudes, à son objectivité, à sa logique qui nous séparent du reste (...)"
Martine Besset reprend une distinction précieuse ici, déployée par Philippe La Sagna dans un article paru dans la revue LCF, entre l'isolement et la solitude, l'un supposant une exclusion de l'Autre, l'autre supposant une séparation d'avec l'Autre.
Ces deux autrices ont pour même point de départ le rejet de la société de consommation , rejet des "lathouses" qui inondent le marché, et leurs inventions s'avèrent au bout du compte singulières, témoignant l'une et l'autre des trouvailles très différentes qui en sont le produit.

Après-coup "Des femmes et des forêts"