« Simple comme Sylvain ? »
La soirée Ciné-Psychanalyse de ce 21 mai nous a réunis autour du film de Monia Chokry, « Simple comme Sylvain ». Durant la conversation qui a suivi la projection, riche en échanges avec la salle, nous avons interrogé, et tenté de lire dans l’histoire de cette rencontre ce qui, au-delà de critères sociologiques, relève du non-rapport sexuel et du malentendu entre les corps parlants.
Derrière les stéréotypes d’une relation, entre Sylvain, homme manuel, à tout faire, qui a peu de mots pour s’adresser à une femme, et Sophia, intellectuelle, philosophe, qui pense l’amour et tombe amoureuse d’un corps bien bâti, le film déplie en creux ce qui fait question pour chaque protagoniste, au-delà de l’imaginaire de la relation et sur fond d’absence structurale de signifiant, d’inexistence d’un supposé rapport.
Sophia s’éveille au désir à partir de la question qu’elle pose à son partenaire Xavier, philosophe comme elle : Qu’est-ce qu’une femme ? La désires-tu ? Alors que la relation qu’elle a avec ce dernier se situe essentiellement du côté du don d’amour et de parole, Sophia ouvre, avec sa question, une brèche qui la rend réceptive à la rencontre des corps. Et elle fait, dans sa rencontre avec Sylvain, l’expérience du désir et de la jouissance dite féminine.
Cependant, ce que nous avons pu extraire, c’est que finalement, autant les mots que les corps échouent à faire un à deux. Dans le film, le malentendu est entre autres repérable quand Sylvain, comme Xavier avant lui, veut faire de Sophia sa femme, la femme de sa vie, son unique amour. Si Sophia se découvre Autre à elle-même dans l’éprouvé du corps, elle rechigne à se laisser mettre la bague au doigt.
Nous avons également mis en avant les concessions que Sophia peut faire pour satisfaire à la jouissance d’un homme, que ce soit celle de Xavier ou celle de Sylvain, avant de décider, non sans un certain courage, de se confronter à la solitude, à celle du corps parlant. La dernière scène du film ouvre sur plusieurs pistes et sur une question : choisira-t-elle d’adresser sa question pour tenter de bien dire, d’approcher ce qui se répète pour elle et faire avec cet irréductible propre à chaque un.e ?
Un film pas si simple donc, marqué par la subjectivité de la réalisatrice, qui déploie pour ses personnages, principaux ou secondaires, ainsi que pour celles et ceux qui ont participé au débat, ce qui fait non-rapport, malentendu, amour, désir et jouissance.
Véronique Servais