Pipol XI Clinique et critique du patriarcat

Plaque sensible
Nathalie Crame


Lorsque nous avons demandé à l’artiste plasticienne belge Catho Hensmans d’interpréter le thème du congrès PIPOL 11, sa réponse fut à la hauteur de nos attentes et la surprise au rendez-vous!
À la manière de « s’en passer, s’en servir » (1) fameuse formule de notre champ, Catho explore le passé, s’y adosse pour ensuite le plonger dans le bain mordant de la vie. Plaque sensible de notre monde, l’artiste s’est saisie de portraits de famille et photos d'ancêtres qu’elle a criblés de couleurs aux nuances subtiles.
Chaque médaillon de l’affiche rappelle l’œuvre d’art miniature empreinte de grâce et d’histoire qu’est le camée. L’artiste le revisite ; elle affute son crayon et chaque touche de couleurs incise et rehausse les portraits issus de l’univers suranné des livres Artis – Historia (2). Leur code esthétique désuet est déjoué, une nouvelle évocation visuelle élargit notre champ. Les petits portraits sages et conformes ont fait peau neuve. Ce n'est plus la mesure du père qui s'impose, chacun à sa guise, chacun son style. Les médaillons, sorte de miroirs du monde contemporain nous laissent désorientés, les portraits de jadis en ont pris un coup, ils deviennent énigmatiques. On s’y perd mais avec plaisir.
L’arbre généalogique que suggère l’artiste est de guingois, les branches à peine esquissées semblent fragiles, le système de filiation en est troublé, on ne s’y retrouve pas. Mais peu importe, avec Catho Hensmans nous passons de la filiation à la «fillation»! À l’avant plan, la femme à barbe, à moins que ce ne soit une sorte de métrosexuel, remplace la prééminence du pater familias. En haut, l’aïeul, tout petit, est au bord du cadre, il pourrait disparaître. À gauche, une enfant que rien ne relie aux autres portraits. Décidément, cet arbre ne se construit plus à partir de la généalogie patrilinéaire consistant à remonter le fil de l’histoire de fils en père, se donnant pour base de travail un nom de famille ; il est subverti par de multiples torsions opérées par l’artiste mais aussi par la graphiste, Eva Van Rumst!
Elle s’est effectivement emparée de l’œuvre et du thème en déstructurant chaque médaillon, ce qui évoque pour nous, le constat que fait Jacques-Alain Miller dans son cours « Les us du laps », qu’ « aujourd’hui, l’ordre symbolique est mangé aux mites » (3).
Nous les remercions toutes les deux pour leur travail respectif. Chacune, par leurs propositions graphiques, a nourri les débats de la commission Pipol 11!  

Catho Hensmans est artiste plasticienne, membre fondateur des éditions K1L : création et diffusion du magazine «Actuel, l'estampe contemporaine». À côté de son travail artistique, elle parcourt les villages de Belgique avec un atelier mobile proposant à des publics divers un moment créatif et artistique partagé à travers différentes techniques de gravure. Cette initiative a pour nom : « Impressionne ton village ».
http://www.cathohensmans.org

(1) Ve Congrès de l’Association Mondiale de Psychanalyse, à Rome, 2006 : Le Nom-du-Père. S’en passer, s’en servir
(2) Artis - Historia est une maison d'édition belge, qui a publié des livres durant la seconde moitié du xxe siècle.
(3) Miller, J.-A., « L’orientation lacanienne. Les us du laps », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 26 janvier 2000, inédit.


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