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Famille freudienne versus familles lacaniennes
Lilia Mahjoub
03/12/2022
Reims
Lilia Mahjoub a dessiné pour nous un panorama qui va de la famille freudienne aux familles lacaniennes, en traçant très précisément ce qui est en cause, quelles que soit les variations dans la structure de la famille. Il s’agit en toutes circonstances, de distinguer le sujet de l’Inconscient, qui n’a rien à voir avec la configuration de la famille, de l’individu, pris lui dans les rêts des conventions sociales du moment, des discours courants qui les servent et les serrent, et qui induisent selon les cas, une exigence de conformité, de normalisation, ou l’aspiration à un retour à la nature, sous tendu par la certitude que l’éprouvé dit vrai.
Famille : comme l’indique Littré, l’étymologie du mot remonte loin. Chez les Romains, c’est la réunion des serviteurs, des esclaves appartenant à un seul individu ou attachés à un service public ; c'est le sens primitif. Par la suite, se dit de toutes les personnes, parents ou non, maîtres ou serviteurs, qui vivent sous le même toit. Puis désigne l'ensemble des personnes d'un même sang, comme père, mère, enfants frères, oncles, neveux, cousins…. puis par extension il y a les familles en biologie, zoologie, chimie, sociologie, philosophie ….
Freud articule la famille au couple, c’est la famille conjugale. Et c’est le lieu des épreuves que le sujet va traverser pour se structurer, rassemblés par Lacan en 1936 dans un article destiné à l’Encyclopédie française à la demande d’Henri Wallon : Les complexes familiaux, que sont le sevrage, l’intrusion, la castration, l’Oedipe. Il faudra faire avec l’arbitraire du père, du frère, avec le désir et la jouissance des parents, énigmatiques : les cas du Petit Hans et le cas d’Hélène Deutsch dit de Phobie des poules sont exemplaires. Si Freud centre sa théorie sur les mythes, Lacan trouvera un au-delà à l’Oedipe, et reviendra sur la prétendue latence sexuelle qui produit la sublimation.
L’amour, central pour Freud, relève du moi, mais c’est du refoulement que Lacan tirera surtout les conséquences, en tant qu’il ouvre la voie du symptôme. D’où se dégage une lecture des nouvelles modalités de faire famille aujourd’hui. Par exemple sous le vocable de traumatisme on entend un fait historique, mais on est sourd au phénomène de l’Inconscient, qui fait du traumatisme ce qui ne trouve pas de place dans le symbolique, qui fait trou, et qui oriente à son insu les choix du sujet. Notamment pour ce qui concerne le couplage mâle / femelle, qui relève de l’imaginaire, et pas de l’anatomie, ni d’une quelconque supposée détermination signifiante. Mâle / femelle, sont l’un et l’autre ambigu, révocables.
Avec la même logique, qui est celle de Lacan, notamment dans le Séminaire D’un Autre à l’autre, Lilia Mahjoub situe très précisément le passage du Nom-du-père au signifiant phallique : n’importe quel signifiant peut en faire usage, à fortiori n’importe qui ou n’importe quoi peut endosser cette fonction.
L’exception surgit lorsque la fonction phallique est niée, fonction qui donne leur signification aux choses et aux êtres : exception que Lacan écrit ꟻx .Φx, il existe un x pour lequel la fonction phallique ne fonctionne pas, (Séminaire V, les Formations de l’Inconscient, p.70)
Dans cette voie, l’on saisit comment les première sensations érotiques, corrélatives de la dépendance à l’autre, sont à l’œuvre dans le déclenchement de la névrose.
Et comment cette rencontre n’est pas évènement, mais est d’avant l’histoire.
Il y a chez l’enfant, quelque chose de précieux qui se trouve comme à ciel ouvert , à condition de savoir l’entendre et le lire. Chez le sujet adulte, c’est le blablabla qui habille le trou dans le savoir, enjeu de l’interprétation. Chez le sujet contemporain, il y a comme un refus du mystère de l’Inconscient, et un refus corrélatif de l’interprétation. C’est ce point qui rend plus difficile l’accès au symptôme. Car à partir de la rencontre avec l’analyste, les conventions n’ont plus lieu d’être. Et quelque chose du réel peut être saisi.
Par Catherine Stef