La fin du beau ?
Notre époque en aurait-elle fini avec la beauté ? L’horreur, avec la guerre, se rapproche de nos frontières. Des images de plus en plus obscènes nous parviennent par les réseaux et percent les enceintes de nos vies réglées. Et que dire des discours contemporains ? Eux aussi ne s’enrobent plus de semblants et tentent au contraire de les débusquer pour faire éclater au grand jour les constructions qui nous précédent.
Alors, « avons-nous passé la ligne ?
[1] »
Le « beau-n’y-touchez-pas
[2] », phrase prononcée par Jacques Lacan, nous donne une orientation.
Si l’art « n’est pas tenu de frayer avec la beauté
[3] », il tire un voile faisant entrevoir ce qu’il recouvre dans un drôle d’entrecroisement entre « les jeux de la douleur et les phénomènes de la beauté
[4] ». L’art et plus particulièrement l’art contemporain, dans sa fonction scandale, éminemment éthique, indexe qu’« il se passe quelque chose encore au-delà, qui ne peut être regardé
[5] ». Le beau comme ultime barrière s’impose devant « le champ de la destruction absolue
[6] », celui de la pulsion de mort.
Alors, l’art est moins, aujourd’hui, comme le pensait Freud, une façon de sublimer le monde ou encore une consolation face à sa dureté, qu’une « plaque sensible du malaise dans la civilisation
[7] ». L’art fait voir notre époque et ses symptômes.
Ni beau, ni laid mais bien réel, c’est ce que nous tenterons d’attraper avec les artistes, (illustrateurs, romanciers, photographes, sculpteurs, chanteurs) que nous présenterons lors de ce cycle des Causeries. Lors de nos soirées, nous causerons de comment chaque artiste, avec l’art comme objet-cause, a détouré dans le plus singulier de son rapport au monde, l’irreprésentable gisant en dessous du voile.
Claire Debuire
[1] Lacan J.,
Le Séminaire, livre VII,
L’éthique de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1986, p. 271.
[2] Ibid., p. 280.
[3] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Ce qui fait insigne », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 6 mai 1987, inédit.
[4] Lacan J.,
Le Séminaire, livre VII,
L’éthique de la psychanalyse, op.cit., p. 303.
[5] Ibid., p. 327.
[6] Ibid., p. 272.
[7] Wajcman G., « Lacan le montreur »,
Lacan l’expo, Metz, Gallimard, p. 25.
Les Causeries et le Réel de la vie
- psychanalyse et création contemporaine -
vous invitent à la quatrième soirée du cycle 2025 - La fin du Beau ? -
le MARDI 17 juin à 20h30 au cinéma l'Univers de Lille
consacrée à l'oeuvre de David BOWIE, auteur, compositeur, interprète
présenté par Aurélie Bec-Dervaux et Agathe Sultan
discussion animée par Miziane Teles
En 1972, David Bowie apparaissait dans l’émission Top of the Pops et faisait découvrir à l’Angleterre son Starman. Grâce à son étrange beauté, la puissance singulière de sa présence et sa voix, il y eût un avant et un après. Car Bowie est un événement. Adepte d’un spectacle total, il fit naître et mourir plusieurs versions de lui-même, révolutionnant sans cesse le rock et liant inextricablement le beau à l’outrage.
Pour un avant-goût de la soirée, cliquez ici