Plusieurs fois primé pour ses films, le réalisateur Yorgos Lanthimos, parle peu et opine de temps en temps par un « mmh » que relève en souriant Nicole Kidman dans une interview. Il se penche, dans la vie comme dans ses films, sur le mystère des corps parlants, sur ce qui ne se comprend pas ; il emmène les personnages dans leurs contradictions et au-delà. C’est patent dans « The Lobster », prix du Jury à Cannes, en 2015.
La réalité n’intéresse pas le réalisateur qui préfère présenter notre expérience quotidienne de manière déformée, dans un contexte qui pousse aux extrêmes, pour en révéler le hors-sens, l’humour, le drame, la violence ; soit la part de folie logée chez l’être humain et dans le discours contemporain.
Lanthimos ne propose pas de réponse, le plus important pour lui est de soulever des questions par sa manière singulière de se servir du silence, de la caméra, des couleurs, des lieux, du jeu des acteurs (Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux entre autres).
« The Lobster » donne à réfléchir sur la condition humaine, à notre époque où les normes sociales imposent de nous confondre dans des isolats communautarisant, et de rejeter par-là même, jusqu’au pire, ce qui fait pourtant que chacun.e est à nul autre pareil. Comment la solitude et la jouissance peuvent-elles être réaménagées, rendues plus supportables pour faire place à l’altérité, au désir et à l’amour ?
La fin du film est ouverte à la discussion qui suivra, en présence du public et de Dominique Holvoet, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne.
Véronique Servais